Le Président Emmanuel Macron a reçu Ahmed Al-Charaa, Président intérimaire des autorités syriennes de transition, ce mercredi 7 mai 2025 au Palais de l’Élysée.
Cette rencontre s’inscrit dans la continuité de l’engagement historique de la France en soutien des Syriennes et Syriens qui aspirent à la paix et à la démocratie.
Le chef de l’État a redit le soutien de la France à la construction d’une nouvelle Syrie libre, stable, pluraliste, souveraine et respectueuse de toutes les composantes de la société syrienne.
Dans la lignée de la conférence internationale de Paris pour la Syrie du 13 février 2025 qui avait contribué à en définir le cadre avec le soutien de la communauté internationale, le chef de l’État a rappelé au Président intérimaire ses exigences vis à vis du gouvernement syrien, au premier rang desquelles :
- l’inclusivité de la transition ;
- la contribution de la Syrie à la stabilité de la région et notamment s’agissant de la souveraineté du Liban ;
- la lutte contre le terrorisme, enjeu de sécurité pour les Syriens, pour toute la région ainsi que pour les Français.
Revoir la déclaration conjointe :
7 mai 2025 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse du Président de la République à l’occasion de l’entretien avec Ahmed Al-Charaa, Président intérimaire des autorités syriennes de transition.
Emmanuel MACRON
Monsieur le Président, vous le savez, la France entretient avec la Syrie une longue histoire que la brutalité du régime d'Assad n'est pas parvenue à briser. Et notre fidélité va au peuple syrien, à ses aspirations courageusement exprimées depuis 2011 et les premiers graffitis sur les murs de Deraa. Des aspirations à une Syrie libre, unie, où chacun jouirait d'une citoyenneté égale, quel que soit son statut, sa religion, son origine. Ces aspirations, nous les avons accompagnées sans faillir tout au long des 14 années de calvaire qu'a traversé la Syrie et son peuple.
Nous étions là pour saisir la justice internationale face aux crimes atroces du régime. Nous avons accueilli César, que vous avez vu plus tôt aujourd'hui. Je vous en remercie. Je pense que c'était une très importante initiative de sa part et de la vôtre, et les preuves indispensables pour que la justice puisse un jour faire son travail. Face à la mort chimique, nous avons marqué clairement une ligne rouge. Sur le terrain, et alors que la France même avait été frappée dans sa chair, nous avons combattu la menace de Daesh dans le cadre de la coalition anti-Daesh, sans jamais céder à ceux qui voulaient renouer avec Bachar Al-Assad.
Aujourd'hui, Monsieur le Président, ces aspirations des Syriennes et des Syriens nous engagent, et elles vous engagent tout particulièrement, et c'est bien cela dont nous avons parlé aujourd'hui, et c'est bien la raison de votre présence pour votre première visite dans un pays occidental. La chute de Bachar Al-Assad a été un soulagement et une joie pour tous. Il vous reste maintenant à relever le défi d'une situation particulièrement compliquée, retrouver le chemin de la paix civile et de la concorde. Et en vous recevant aujourd'hui, après avoir organisé, il y a quelques semaines, une conférence diplomatique, vous étiez représenté par votre ministre, c'est à une transition pacifique qui assure la stabilité et la souveraineté de la Syrie, qui prend en compte l'intégralité des composantes de sa société civile que nous voulons parler. C'est à une égalité de droits et à une vie meilleure pour l'ensemble des Syriennes et des Syriens dans leur diversité que la France réaffirme son soutien. Et en disant cela, je pense à Bassma Kodmani, à Hassan Abbas, Omar Aziz et à tant d'autres qui ont porté cet espoir avec courage et droiture.
Dès le 8 décembre, c'est le message que nous vous avons porté. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a été le premier responsable occidental, avec sa collègue allemande, à se rendre à Damas le 3 janvier. Paris a accueilli le 13 février la conférence internationale que j'évoquais, qui a permis de tracer ensemble les principes et les objectifs de cette transition et du soutien international qu'elle pouvait emporter. Je n'ignore pas ce faisant que la Syrie a connu ces derniers jours une nouvelle flambée de violences interconfessionnelles dans des zones où vit la communauté druze, faisant près de 200 victimes. Ces combats viennent après les massacres commis au début du mois de mars sur la côte syrienne, au cours desquels plus de 1 600 personnes, en majorité de confession alaouite, ont été tuées. J'ai évoqué sans détour ces événements dramatiques et inacceptables avec le Président Al-Charaa, à qui j'ai rappelé qu'il devait tout mettre en œuvre pour assurer la protection de tous les Syriens sans exception, quelle que soit leur origine, leur religion, leur confession, leur opinion. Et s'assurer que les auteurs de ces actes seraient poursuivis et jugés, et c'est bien l'engagement qu'il a pris et ce sur quoi il a déjà fait des déclarations il y a plusieurs semaines.
Au fond, la position qui est celle de la France, en vous recevant, ne consiste en aucun cas, je veux le dire ici, à donner des leçons à qui que ce soit. D'abord, ce n'est pas la diplomatie que nous conduisons, et ensuite, je suis conscient de la situation dans laquelle vous vous trouvez. C'est de penser au peuple syrien qui a vécu tous les défis que j'évoquais et qui a cette juste aspiration que nous partageons. Et au fond, c'est une position qui consiste avec exigence à défendre nos intérêts sécuritaires, politiques, portés par notre histoire et avec la conviction que le peuple syrien, la stabilité en Syrie sont bonnes non simplement pour vous, mais pour toute la région, et sont importantes pour la sécurité de toute la région, et aussi la nôtre. C'est une exigence, celle que nous portons, qui conditionnera aussi la stabilité de la Syrie et la poursuite de notre réengagement diplomatique.
Président de la transition, c'est, sur la question de la justice, engager à ce que les auteurs des massacres commis contre les populations alaouites et tous les civils, quels qu'ils soient, soient donc poursuivis et jugés dans le cadre d'enquêtes et de procès menés de manière indépendante. Et j'ai indiqué que la France, de son côté, encouragerait l'Union européenne à sanctionner systématiquement les auteurs de ces crimes qui ont profondément choqué tous les amis de la Syrie. Après les décennies de malheurs et de destructions, le pays est en très grande difficulté sur le plan économique et les attentes des Syriens sont immenses à votre égard. La Syrie ne pourra pas regagner sa stabilité, pas plus qu'elle ne pourra accueillir les réfugiés syriens qui souhaitent rentrer chez eux, sans une reprise économique et des infrastructures réhabilitées. Les Syriens, y compris ceux de la diaspora, veulent participer à la reconstruction de la Syrie. Vous rencontrerez ceux de Paris ce soir et ils vous le diront. La communauté internationale doit donc être au rendez-vous. C'est pourquoi j'ai dit au Président que s'il continuait de faire son chemin, nous ferions le nôtre, d'abord en poursuivant la levée progressive des sanctions économiques européennes, ensuite en conduisant un travail de conviction auprès de nos partenaires américains afin qu'ils s'engagent dans cette voie, enfin en travaillant avec le HCR et nos partenaires à un cadre régional permettant à la Syrie de voir ses talents et ses forces vives lui revenir.
Il s'agira pour cela d'apporter des garanties sur la bonne utilisation des fonds internationaux. La France veillera à ce que les enjeux, prioritaires pour elle, soient pris en compte dans ce cadre, car la stabilité et l'unité de la Syrie sont également, comme je le disais, essentielles pour la stabilité du Moyen-Orient, la sécurité des Français et des Européens. Si nous avons appris une chose des années traversées, c'est que Damas est à nos portes et que l'on peut venir à Paris à pied. C'est aussi que la Syrie est liée à notre sécurité et qu'on peut fomenter des attentats à Raqqa. C'est pourquoi Daesh reste encore aujourd'hui la menace terroriste la plus sérieuse qui pèse sur le pays, sur ses voisins, ainsi que sur la paix et la sécurité internationale. La France et les Français l'ont vécu dans leur chair. J'ai redit au Président qu'en la matière, très clairement, une coopération s'imposait. La France est mobilisée, continuera de l'être. Notre souhait est que les États-Unis d'Amérique et tous nos partenaires, dans le cadre de l'Opération Inherent Resolve, continuent d'être actifs et engagés sur ce sujet. Et je souhaite que nous puissions au maximum, avec votre aide, continuer de nous battre contre Daesh et ces groupes terroristes qui sont mauvais pour votre pays et pour nous tous. En la matière, j'ai redit au président qu'il pouvait aussi compter sur les forces démocratiques syriennes qui ont été un partenaire incontournable de la coalition internationale contre Daesh tout au long de ces années.
À cet égard, l'accord signé le 10 mars est un moment important. Et je veux saluer ceux que général Mazloum et vous-même avez parachevés. Et je pense que c'est une étape très importante parce qu'elle montre votre capacité à bâtir des relations avec chacune des composantes de votre société, chacun des groupes, et à reconnaître aussi la part des Forces démocratiques syriennes dans cela.
Je souhaite que cet accord soit mis en œuvre pleinement, et nous ferons tout ce que nous pouvons pour y aider. Au-delà, le président m'a fait part de sa détermination à tout mettre en œuvre pour que la Syrie ne soit plus un refuge pour des combattants terroristes ou des groupes armés qui menaceraient la sécurité, les intérêts et la stabilité de son propre pays et des pays voisins. Et c'est important. De la même manière, la Syrie continuera de coopérer comme elle le fait depuis plusieurs mois, et c'est à mes yeux un élément important de votre bilan depuis le mois de décembre, avec l'organisation pour l'interdiction des armes chimiques, pour procéder à l'identification puis à la destruction de l'ensemble des stocks d'armes chimiques héritées du régime Assad.
De la même manière, j'ai pu le dire au président, qu'avec les pays voisins, nous avons constaté une baisse drastique de la production de captagon, qui était, on le sait, l'un des moyens de financement du régime. Et vous avez tenu vos engagements, là aussi, sur ce point, en réduisant la production et en luttant contre ce fléau. Il s'agit à cet égard et par tout cela pour la Syrie de jouer tout son rôle dans son environnement régional et contribuer à sa stabilité. Nous notons d'ailleurs, comme je le disais, une amélioration aussi de la situation à la frontière syro-libanaise, et nous avons eu l'occasion, il y a quelques semaines, d'évoquer cela. En effet, le président Al-Charaa a plusieurs fois dit publiquement sa volonté d'établir des relations de bon voisinage avec l'ensemble des pays voisins de la Syrie, y compris avec Israël. Nous avons évoqué, après l'échange que nous avions eu avec le président Aoun, le soutien à apporter à la sécurisation de la frontière entre la Syrie et le Liban et les mécanismes et instruments de la coordination sécuritaire entre Beyrouth et Damas.
Cette coordination est essentielle pour empêcher que la Syrie ne redevienne un cordon entre l'Iran et le Hezbollah et pour la préservation du cessez-le-feu au Liban. Au-delà, la France est également prête à faciliter le lancement de négociations entre le Liban et la Syrie sur le tracé de leurs frontières communes en mettant à disposition ses connaissances, ses archives, son expérience en la matière. Et je veux le dire ici, une part importante aussi de notre coopération, c'est d'accroître, d'intensifier, de systématiser la lutte contre Hezbollah, de lutter contre l'influence de l'Iran et de tous ses proxys dans la région, et d'aider à la stabilité de la Syrie et à la stabilité du Liban.
Voilà les quelques mots que je souhaitais avoir à l'issue d'une longue discussion que nous avons eue avec le président et des échanges que nos ministres et nos collaboratrices et collaborateurs ont pu avoir en parallèle. Je remercie à nouveau le président Al-Charaa pour nos échanges exigeants et constructifs qui confirment le bien-fondé d'une approche lucide, réaliste, déniée de naïveté, mais au fond, orientée vers l'avenir. Et je crois très profondément que les Syriennes et les Syriens méritent cet avenir meilleur, c'est-à-dire de vivre dans un pays en paix, stable, où chaque composante de la société civile pourra vivre librement, sera reconnue dans sa pleine citoyenneté, aura sa place, et qu'à chaque fois que vous suivrez ce chemin, la France sera à vos côtés, parce que c'est l'histoire de la France et de la Syrie. Et donc, Monsieur le président, je compte sur vous. Mais la France redit ici son amitié au peuple syrien. Merci d'être là.
Journaliste
Monsieur le Président, les pays occidentaux font beaucoup de demandes à l'administration syrienne de transition pour trouver une solution aux combattants étrangers. En contrepartie, quelles sont les mesures attendues de la part de la France et des pays européens pour récupérer les familles de ces combattants qui se trouvent dans les camps d’Al-Hasakah dans le nord de la Syrie, puisque les relations diplomatiques ont été rétablies avec Damas ?
Emmanuel MACRON
Je confirme, sur les combattants terroristes étrangers qui sont détenus en Syrie, la priorité, c'est la stabilité, en particulier du nord-est syrien, et les conditions de sécurité de ses prisons et de ses camps. Et donc c'est ce sur quoi nous travaillons, c'est d'ailleurs ce en quoi l'accord du 10 mars dernier est un élément très important. Première chose, conditions de sécurité et de stabilité. Ensuite s'engagera une série de discussions techniques de coopération judiciaire et sécuritaire entre nos pays, parce que plusieurs de ces combattants terroristes étrangers seront aussi à judiciariser en Syrie, sont déjà, pour certains, judiciarisés en Irak, auront à répondre des crimes qu'ils ont commis sur le territoire, en même temps qu'ils sont judiciarisables pour certains en France. Donc il y a tout un travail qui sera conduit. Il est trop tôt pour y répondre dans le détail, mais la France sera évidemment un partenaire de confiance pour que la justice se fasse et que la sécurité des Françaises et des Français, des Syriennes et des Syriens soit assurée tout au long de ce processus.
Journaliste
On comprend que la France souhaite consolider sa relation avec les Kurdes, compte tenu du fait que les Américains vont probablement partir ou en tout cas ont entamé un début de retrait. Est-ce que vous pouvez nous donner des indications sur la manière dont cette consolidation peut se faire ? Est-ce que vous pouvez nous confirmer comment on l'entend que la France pourrait envoyer des troupes remplacer celles qui vont partir, les troupes américaines ? Merci.
Emmanuel MACRON
Écoutez, d'abord, je ne parlerai pas de consolidation, nous n'avons jamais manqué aux forces démocratiques syriennes et nous n'avons jamais manqué aux Kurdes parce qu'ils ne nous ont jamais manqué. Et c'est comme ça que je considère que la crédibilité de la France dans la région peut être maintenue. Et donc ces femmes et ces hommes ont été des combattants valeureux contre des groupes terroristes. Ils l'ont fait au nom de leur intérêt et de leur sécurité, mais aussi des nôtres, et nous leur devions cette fidélité, nous l'avons eue, y compris en 2018 et après, quand déjà des mouvements de retrait sont opérés.
Ensuite, nous avons la même fidélité, vous le savez, à l'égard des Kurdes en Irak, et nous considérons que cette relation privilégiée fait partie des équilibres de la région. Ensuite, nous avons des discussions avec l'administration américaine. Et je pense que l'intérêt de tous, y compris l'intérêt des Américains, est aujourd'hui de réfléchir et plutôt d'agir pour nous accompagner dans la levée des sanctions à l'égard du peuple syrien, pour permettre plus vite de reconquérir, plus vite de rebâtir et de réaccueillir des réfugiés sur son sol, et de tarder au maximum pour le retrait de ces forces en Syrie, parce que, simplement, la question sécuritaire demeure. Et donc, dans l'ordre des temps, je pense qu'il faut faire l'inverse, c'est-à-dire qu'il faut plutôt se précipiter pour lever des sanctions avec des exigences, se dire, on va regarder dans 6 mois où vous en êtes, mais permettre justement d'accompagner ce mouvement que nous décrivons depuis tout à l'heure, mais maintenir nos opérations militaires, parce que Daesh est toujours présent, parce que des groupes terroristes sont toujours présents, qu'ils menacent la sécurité des Syriennes, des Syriens, mais également des Irakiens, et que si on les laisse prospérer, ils menaceront la sécurité de toute la région et des Européens, comme ils l'ont montré par le passé.
Voilà les discussions que nous avons avec les États-Unis d'Amérique et ce sur quoi j'espère les convaincre.
Journaliste
Première question au Président. Pour ce qui est des massacres sur la côte, question très simple aujourd'hui. Est-ce que des personnes seront arrêtées et jugées bientôt ? La question de la justice est essentielle pour la partie française et c'est la question qui est posée aujourd'hui. Est-ce que vous, au sein de l'autorité transitoire, n'êtes pas responsable des actes de ce qu'on appelle les groupes hors contrôle ou les groupes armés ?
Deuxième question. Y a-t-il aujourd'hui des négociations indirectes entre la Syrie et Israël à propos de l'occupation et de l'escalade sécuritaire en Syrie ces derniers temps, à savoir les bombardements israéliens ? Quelle est la position de la France aujourd'hui sur le renouvellement des sanctions dans l'Union européenne début juin ? C'est une échéance qui arrive bientôt. Et est-ce que vous pensez que les bombardements israéliens en Syrie peuvent entraîner une désintégration territoriale du pays ? Êtes-vous en contact avec l'Israël ou d'autres pays à ce propos ? On entend des ministres israéliens aujourd'hui appeler à une division de la Syrie et à sa désintégration.
Merci.
Emmanuel MACRON
La France plaidera pour que les sanctions ne soient pas renouvelées, parce que je pense que c'est ce qui est cohérent avec la démarche qui est la nôtre. Je sais que plusieurs États membres amis aujourd'hui ont des hésitations, et donc dans les jours et les semaines à venir, nous allons activement travailler avec eux pour lever ces doutes, mais aussi, dans l'échange avec le Président et son équipe, pouvoir répondre à leurs légitimes interrogations.
Pour autant, je pense que c'est notre responsabilité de lever ces sanctions aux gens et accompagner ce mouvement et donner dans les mois à venir la possibilité d'avancer. C'est cohérent. Et en vérité, vous nous entendez depuis tout à l'heure l'un et l'autre, la question, c'est est-ce que les actes iront avec les mots ? Si les actes vont avec les mots, on peut avancer. J'entends que mes actes aillent avec mes mots. Et je fais confiance au Président pour qu'il en soit de même. Alors nous pourrons avancer dans la bonne direction. Pour ce qui est des bombardements, des incursions, je pense que c'est une mauvaise pratique. Je pense qu'on n'assure pas la sécurité de son pays en violant l'intégrité territoriale des voisins. Et là-dessus, je ne ferai pas de double standard avec qui que ce soit.
Donc je pense que je souhaite qu'il y ait un dialogue le plus étroit possible qui se noue entre Israël, dont la sécurité est une préoccupation de chaque jour de la France. Et je redis ici notre soutien au peuple israélien et notre amitié et notre volonté d'assurer sa sécurité. Mais ma conviction c'est que la méthode aujourd'hui suivie n'est pas celle qui permettra d'assurer dans la durée la sécurité d'Israël et de son peuple. Et donc je considère que la bonne méthode, c'est une coopération accrue, et nous en avons longuement discuté avec le Président qui a, je dois le dire, marqué son ouverture pour enclencher un processus et qu'il y ait des discussions qui puissent se tenir au niveau technique pour répondre aux préoccupations de part et d'autre, mais aussi que la souveraineté, l'intégrité et l'unité de la Syrie soient préservées. Et je pense que c'est important pour le peuple syrien, mais aussi pour toute la stabilité de toute la région. Nous allons prendre, je crois, une dernière question.
Journaliste
Et ma question, Monsieur le Président Macron, que répondez-vous à une partie de la droite et de l'extrême droite qui jugent que cette rencontre est une provocation ? Vous avez par ailleurs parlé de la question de la levée des sanctions. Est-ce qu'il ne serait pas nécessaire de conditionner cette levée aux actes, pour reprendre vos propres mots ?
Je vous remercie.
Emmanuel MACRON
Que serait la diplomatie si nous ne recevions que des gens avec qui nous sommes totalement d'accord ? C'est parfois, quand j'entends les commentaires, ce qu'au fond on m'appelle à faire. Quelle serait la diplomatie, la force de l'Europe, si son rôle consistait à donner des leçons de morale sans échanger ceux avec qui elle a des intérêts en commun, où les dirigeants des pays où ses intérêts, y compris les plus sécuritaires, se trouvent ? Quelle efficacité aurait une diplomatie de la France qui dirait : « c'est très mal, ces gens-là ne font pas bien, il y a beaucoup d'intérêts sécuritaires qui s'y jouent, je vais leur donner toutes les leçons de la terre, soyez inclusifs, ne travaillez pas avec les Russes, combattez les Iraniens, ne soyez pas sous l'influence des Turcs, mais prenez mes sanctions et ne comptez pas sur ma collaboration » ? Ça n'existe pas.
Donc que des gens aient des postures à des fins politiciennes pour parler à des électorats, je l'entends, c'est l'avis des bêtes, et ça continuera. Que là où je suis, et avec la responsabilité que les Français m'ont donnée pour la première fois il y a 8 ans, un 7 mai, je considère qu'elle consiste depuis le début à essayer de vrai, pour nos intérêts, dans un monde imparfait. Nous en sommes là. Est-ce que la situation est parfaite ? Non. Au demeurant, le Président est lucide là-dessus. Est-ce que la Syrie aura une situation qui se règle dans les 15 jours, les trois semaines, le mois qui vient ? Non. Ayons d'ailleurs l'humilité de regarder les pages de notre histoire où, après des guerres de quelques années ou des révolutions de quelques autres, combien de temps avons-nous mis à nous rétablir ? Ça prendra du temps, après quinze ans d'une guerre sanglante, à rétablir ce peuple et ce pays.
Ce que je vois, c'est qu'il y a un dirigeant qui est en place. Il a mis fin à un régime que nous avions condamné, combattu, dont nous connaissons la responsabilité. Il est prêt à s'engager. Les premiers actes ont conduit à des résultats qui vont dans le sens des engagements pris : échange avec le Liban, début d'un travail sur la frontière, lutte claire contre le Hezbollah et son réarmement, lutte claire contre Daesh et coopération qui s'établisse avec les partenaires, lutte claire contre le Captagon et sa production – elle a déjà baissé de 80 % – engagement qui n'était pas naturel avec les forces démocratiques syriennes et l'accord de mars dernier. Il y a des cailloux sur ce chemin depuis le mois de décembre qui ont été posés. Et le dernier, c'est celui aussi d'une justice indépendante, transition, sur laquelle des engagements viennent d'être réitérés, et les prochaines semaines, nous éclairerons sur ce chemin.
Donc, je pense qu'il nous faut en conscience regarder. Le rôle de la France, c'est de défendre ses intérêts. Nous avons en Syrie des intérêts : notre sécurité, les combattants étrangers ; notre sécurité, lutter contre Daesh ; notre sécurité, lutter contre le Hezbollah ; la sécurité et la stabilité de votre pays, de la région. Et donc, c'est un dialogue qui est important et utile, mais il est exigeant. Et donc, dans ce contexte, il est cohérent, dans les prochaines semaines, de travailler pour qu'il puisse y avoir à côté des progrès déjà effectués, sur la base aussi de cette exigence et du dialogue permanent, une possible levée des sanctions, en essayant de convaincre nos partenaires et nous d'agir dans ce sens. Et on regardera les 6 mois qui suivent.
Et si les choses devaient revenir en arrière, si les résultats, les actes ne devaient pas suivre la parole, on pourra réévaluer. En tout cas, je pense que c'est mieux que de rester de son côté, de donner des leçons sans efficacité parce que c'est l'intérêt de la France et parce que c'est aussi cela l'histoire de la France avec le peuple syrien. Une histoire qui s'enracine très profondément et qui est l'amitié avec un peuple, sa propre histoire, sa propre complexité et qui est une amitié avec toutes les composantes de ce peuple. C'est un très grand défi pour le Président. Je sais qu'il y a des gens qui ne lui font pas confiance, qui disent qu'il fera ceci, cela. Il le sait très bien, d'ailleurs, je crois qu'il est lucide. J'ai été clair, moi, dès ma première discussion. Quel chemin possible ? Si je lui dis, sans rien avoir vu, je n'ai pas confiance en vous, débrouillez-vous. Je ne fais pas mon travail.
Voilà, on va avancer sur ce chemin. Et vous nous avez entendus, si nos actes suivent les mots prononcés aujourd'hui, il y a un chemin possible. Et ce chemin, je crois, est bien meilleur que les années qui viennent de s'écouler pour le peuple syrien. Et il sera bon pour la France aussi.
Merci, Mesdames et Messieurs, pour votre attention.
Merci, Monsieur le Président.
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